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L'AUTRE JOUR



                                   
                                









L'autre jour, j'ai croisé mon destin. Un homme m'appelait depuis le trottoir d'en face. Mais je ne l'entendais pas. Je continuais à mettre un pied devant l'autre en songeant à tout ce que j'avais à faire d'ici le lendemain. A chaque jour suffisait sa peine...
J'en étais là de mes réflexions lorsqu'une main se posa sur mon épaule tandis que mon prénom fusait comme une victoire sur l'oubli. Je me retournai et considérai mon vis-à-vis. C'était un inconnu. Grand, le visage buriné, les tempes argentées, le regard franc et timide, le sourire indéniablement étiré sur mesure, juste pour moi, une sorte de Richard Gere sans Pretty Woman sauf que c'était moi qui jouais ce rôle sans m'en rendre compte.
En quelques instants, ma vie fut bouleversée. Je salivais d'avance sur mon destin doré sur tranche et la caisse enregistreuse de mon mental n'arrêtait pas d'additionner les bons points et les avantages en nature que cette rencontre inespérée faisait rejaillir sur mon insignifiante personne. D'autant plus que dans un mois je serai expulsée, je n'avais pas de boulot, j'étais abandonnée de tous, même mon chien m'avait larguée et la chance se présentait rarement à moi. Sauf que ce jour-là, elle était au rendez-vous. Je n'allais pas la laisser passer. Après une coupe de cheveux chez un grand coiffeur, un relookage chez un styliste, un sauna, un soin du corps et du visage, j'étais méconnaissable. Seul mon regard n'avait pas changé. Il était désespéré et le rimmel n'y faisait rien. Il me suivait partout. Je me regardais dans la haute glace mais il était toujours là, obsédant, culpabilisant, accusateur. Je me mis à l'invectiver, à lui dire mes quatre vérités, à le rejeter, à l'abandonner. J'empruntai un regard nouveau, nimbé de candeur enfantine, détaché des contingences matérialistes, un regard plein de paillettes, enfin tout ce qui pouvait caractériser l'expression d'une existence princière. Je partis très loin aux antipodes dans un jet privé en compagnie de mon mécène. J'avais dû lui rappeler quelqu'un mais ce n'était pas moi. Il y avait erreur sur la personne et usurpation d'identité. Cela ne me faisait ni chaud ni froid même si l'évidente confusion ne faisait aucun doute.
Cependant, l'autre jour, pendant mon entraînement de natation, je ne vous raconte pas la carrure athlétique de mon coach, je sentis que mon corps ne flottait plus. Il avait tendance à s'enfoncer sous l'eau. Je résistai, battis des pieds, fis quelques voltiges mais le vide m'aspirait. C'était une force inconnue. A toute vitesse, je vis défiler les étapes de ma vie. Je reconnus mon chien. Il ne cessait de gémir. Je lui manquais. Mes larmes jaillissaient sans répit, traçant une voie écumeuse dans l'eau assombrie par le crépuscule.
Devant moi, il y avait deux directions :
La richesse ou la pauvret
é ?
La prison ou la libert
é ?
J'hésitai longuement. Après une intense et douloureuse méditation,  je choisis ma liberté.
Depuis, j'erre dans la ville.
Aujourd’hui,  vous êtes passé devant moi sans me voir.
Moi, je ne vous oublierai pas, je vous aime d
éjà.
                                                                                                                                             FIN
                                                         

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LE PAYS DE THELLE

Les vertes collines demeurent souvenir Fécondes et riches de coutumes fières Maintes branches fleuries, entêtant élixir, Ornent certains chemins aux talus de bruyères Les sentiers en sous-bois inclinant au soupir Offrent au promeneur des virées buissonnières Dans les petits jardins frémissant au zéphyr Les amours éclosent, fleurs aux boutonnières Les lacets des coteaux avivent le désir A Gaïa de s’unir sans regret ni œillères Jusqu’à la fin des temps nimbés de plaisir Ces folles errances par l’intime loisir Enrichissent l’âme perdue en ses prières Belle plénitude d’un serment sans faillir

HYPNOSE

Prix Paul Verlaine Juin 2011 Dort mon jardin secret, la mémoire encor vive,    Un souffle me conduit, je remonte le temps, Lors de mes jeunes ans, en saison de printemps, Je flâne près de l’eau, en restant sur la rive, Un orage survient, je me sens si craintive, Mon cœur se fait tambour, chamade en contretemps, Je chute dans le lac, étrange passe-temps, Un quidam maussade déambule en coursive. Je me noie en ces eaux, fatales inerties, L’image du bonheur s’imprime en facéties, Frôlement du néant troublé par maints appels, Sauveur de nulle part, ange tant bienvenu, L’homme s’en est allé, demeurant inconnu, Parfois certaines nuits, je rêve aux archipels. Anne STIEN    

Présentation recueil REVES D'AILLEURS

Dans ce recueil, l’auteure, Anne Stien, aborde tous les thèmes. L’amour, la passion, la haine, la violence mais aussi la vie en ce qu’elle a de plus précieux, loin des artifices et des bassesses. Tout est dit quand s’expriment l’émotion, la tendresse, l’émerveillement devant la splendeur de la nature, son éphémère beauté, tout au long des saisons.  Ainsi, s’agissant d’un poème intitulé « Le pays de Thelle », on peut lire : « Les sentiers en sous-bois inclinant aux soupirs Offrent aux promeneurs des  virées buissonnières. Dans les petits jardins frémissant au zéphyr, Les amours éclosent, fleurs aux boutonnières ». Quelques textes poétiques viennent clore ce recueil paru aux Editions Langlois Cécile sous le numéro ISBN 979-10-93510-04-0 au prix de 13 €.  http://www.editionslangloiscecile.fr