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LES LOGES DU MENSONGE

Les loges du mensonge Nouvelles Bernard Gallois Editions Langlois Cécile D’abord il y a la couverture du recueil qui interpelle et pique la curiosité de tout un chacun. Un masque d’or aux yeux fuyants fait tomber le masque gris de la vérité. Tout est déjà en filigrane. Le mensonge fait partie intégrante de nous-mêmes, que ce soit par pudeur, politesse ou dissimulation manifeste. Quelques titres évocateurs comme Le blues de la ménagère, Lotissement, Les camélias rouges sans oublier l’épilogue où les quadrilles exécutent des figures savantes sur le papier quadrillé. Bernard Gallois s’amuse à nous entraîner dans les labyrinthes du mensonge. Le plaisir à l’état pur que procure la lecture des nouvelles du recueil est absolument palpable, tangible et sans détour. Le style de l’écriture se caractérise par la richesse du vocabulaire, les demi-teintes suggérées, les mots à double voire triple sens, l’humour dans les expressions inattendues. Me sont restés en tête qu

REGAIN

Quelqu’un s’approcha de mon lit et s’exclama : -       La pauvre petite, elle a l’air bien jeune, que lui est-il arrivé ? Je voulus répondre mais aucun son ne sortit de ma bouche. Mes lèvres étaient closes et inertes. Je ne pouvais articuler aucun mot. Je n’entendis pas la réponse que fit l’autre personne. Elles s’éloignèrent en bavardant.  Cette question me trotta dans la tête, je cherchais les causes de mes blessures, de quelles violences j’avais bien pu souffrir, si c’était un accident ou bien une agression. Je ne me souvenais de rien. Mes pensées tournoyantes embrumaient mon esprit. La fatigue reprit le dessus et je me laissai aller dans un sommeil comateux.  Je me réveillai en soins intensifs, ayant subi une longue intervention. Je me sentais fatiguée et déprimée. Mon visage avait été opéré. Je souffrais de maintes contusions. D’après mes sensations, j’avais dû subir un choc frontal. On en était au balbutiement de la microchirurgie. J’étais abrutie de c

L'ISOLOIR

Hier, le village montrait une activité dominicale inhabituelle. Pour un martien, curieuse observation d'un rite étrange ! Saluer, faire la queue, prendre des papiers, prendre une enveloppe, se souvenir de son nom, le donner, puis, à pas comptés, guetter les pieds dépassant de rideaux pas affriolants. Ensuite, pénétrer dans un réduit malodorant. Refermer le rideau. Jouer à qui perd gagne avec les papiers. Au recto figure un nom. C'est un nom parfois connu. C'est un choix à  faire en dépit de ses propres doutes; On jette son dévolu sur le papier retenu, mais il faut du temps pour se décider. Sans compter avec les courants d'air qui s'en prennent aux papiers lesquels s'envolent. Se retrouver ensuite à quatre pattes pour récupérer les papiers envolés. Le réduit est occupé, celui d'à côté aussi. Attendre. Se précipiter. Mettre dans l'enveloppe. Refaire la queue. Repérer l'urne et ne pas laisser les doigts dedans. Attendre le feu vert pour y mettre l'e

LE MENUET

Il restait assis des heures durant, contemplant le ciel et les étoiles. La nuit, avec son dôme étoilé, le fascinait. Il cherchait du regard l’étoile du berger. Il lui confiait son désarroi et ses doutes. Il n’avait que six ans. Et pourtant il était musicien dans l’âme. Son seul ami était un piano-forte. Il avait scellé un pacte avec l’instrument. Il ne s’en séparerait jamais. S’il rêvait beaucoup, il travaillait énormément. Son père, chef d’orchestre, le supervisait et le formait aux multiples disciplines musicales. Néanmoins, l’enfant ne manquait pas de le surprendre par ses dons incontestables de compositeur.  Le temps arriva où le petit garçon fut présenté à  l’Archevêché de Salzbourg. Il charma  son auditoire et fit preuve d’espièglerie. L’évêque promut le père comme chef d’orchestre du palais et offrit au jeune prodige la charge de musicien en titre de la Cour. « Après Dieu, il y papa » répétait-t-il souvent. Il savait qu’il n’était pas comme les autres enfants. I

LA DISGRACE

Lorsque je poussai la porte de l’immeuble, ma respiration se bloqua. Je me dirigeai à tâtons vers l’ascenseur, ne sachant pas où se trouvait l’interrupteur. C’est bien de moi, pensai-je en pénétrant dans l’étroite cabine. J’appuyai au hasard sur l’étage désiré. Moi qui n’aimais que la lumière, j’avais envie de faire demi-tour. Nécessité faisant loi, je continuai mon chemin de croix. J’aurais voulu être à cent lieues d’ici. Le couloir du 6 ème étage ne ressemblait à rien. Des portes fermées, quelques plaques ternies, le plancher grinçant, un éclairage glauque. Des relents de cuisine flottaient dans l’air croupi. Etait-ce bien là, ce rendez-vous mystérieux ? J’avais dû me tromper ! Ayant passé en revue toutes les portes, je remarquai enfin l’une d’elles, plus discrète que les autres. On pouvait, en écarquillant les yeux, y lire sur un bristol, des initiales en lettres majuscules, puis la mention « sonnez et entrez ». J’arrangeai machinalement mes cheveux et m’exécutai. Le h