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LA RUCHE

Ce fut un mariage champêtre, sous le soleil de Mai, le mois des amours. A cette époque de l’année, tout bourgeonne, les arbres, les plantes. La nature est en pleine floraison printanière. Reine épousait Holly, le seul homme qu’elle admirait, l’unique, l’inénarrable, l’émérite scientifique et poète, passionné par la vie des abeilles. Les ruches bourdonnaient d’activité. Chaque alvéole était occupée. Cela promettait une bonne récolte de miel. Elle fut déçue de constater que son époux consacrait tout son temps à ses chères Apis Mellifères, plus communément appelées abeilles à miel. Il ne songeait pas à partir en voyage de noces. Quand elle évoqua le sujet, il leva les bras au ciel en frétillant, à la manière de l’abeille éclaireuse pour indiquer à ses congénères que la nourriture est proche. Ayant une pensée émue pour sa jeune femme, Holly proposa de lui apporter son déjeuner au lit. Il l’encouragea à faire une grasse matinée. Elle acquiesça,   alanguie à l’idée de cette pers

L'ABSENCE

Je me souviens de lui, le père, si grand, si fort qu’à ses côtés j’ignorais la peur. Je me tenais à sa jambe de pantalon pour trottiner. Je regardais autour de moi sans crainte. J’allais souvent avec lui tant j’aimais son contact. Quand il me juchait sur ses épaules, je plantais mes mains dans ses cheveux bruns en fermant les yeux. J’avais l’impression de toucher le ciel, en partie masqué par la brume de chaleur donnant au paysage un aspect irréel. Parfois, avant qu’il ne parte pour les lointaines contrées de l’Asie, il ‘m’emmenait avec lui, dans ses déplacements. A l’époque les enfants n’avaient ni siège auto, ni ceinture de sécurité, ni console de DVD accrochée au dos du siège avant. Ils écarquillaient les yeux en regardant intensément ce qui les entourait. J’eus très tôt l’impression d’être privilégiée lorsque, en plein désert, surgissait de nulle part, une horde d’enfants faméliques et dépenaillés poursuivant la Jeep en criant. Mon père ne s’arrêtait pas. Il évoquait notre

JULIETTE

En noir et blanc, sous la frange brune, le regard sombre, les mains virevoltantes, l'univers de Gréco s'inscrit à Saint-Germain-des-Prés, au Flore, au Tabou, et dans les cabarets où elle chante les textes de Léo Ferré, Brel, Gainsbourg et de biens d'autres auteurs. Elle laisse aujourd'hui à l'occasion de sa dernière tournée, une empreinte indélébile marquée par l'existentialisme et les courants littéraires de l'époque d'après guerre. De Sartre à Sagan, de Brel à Ferré, de Miles Davis à Darryl Zanuck, de Piccoli à Lemaire, les hommes et les femmes qui ont traversé sa vie lui ont permis d'interpréter leurs chansons et leurs scénari, même "s'il n'y a plus d'après à Saint-Germain-des-Prés" ... Une grande dame de la chanson française qui fascine encore.

MAUVAISE MINE

Des tirs dans tous les sens, des cris, un moteur qui s’emballe, une poursuite, une sirène mugissante. L’homme git sur l’asphalte. Sa vie défile en accéléré comme dans un film muet privé de sous-titres. Il ne comprend pas ce qui se passe. Il voit son corps allongé sur un trottoir. Que fait-il couché ailleurs que dans son lit ? Au creux de sa main, il tient un objet, une sorte de talisman.  Sans frémissement, en silence, il contemple la scène en altitude, immobile et inconscient. Son teint est pâle. Sous ses paupières fermées, un rêve étrange se forme. Il remonte le temps. Le temps lointain de ses amours, le temps de l’affection envers ses parents et amis. Il serre entre ses doigts crispés son fétiche.  Les images se succèdent. Il est devenu célèbre par ses caricatures. Il perçoit des voix familières. L’émotion l’envahit. Il gémit, se lamente et implore le ciel. Seul, entre la vie et la mort, il erre dans un monde inconnu. Peu à peu, subrepticement, le cours de ses pen

LE MOINEAU VU PAR BERNARD GALLOIS

Familier, le moineau ? Regarde-donc de plus près son bec omnivore et ses pattes de dinosaure.  Reste-t-il un peu de reptilien sous les froufrous de l’envol ? Et cette bavette noire sous l’œil perçant… des traces de larmes ou le noir regard de l’inhumanité ? Quelles reliques sauvageonnes dans la bête domestiquée ? Si, comme moi, tu en as un peu marre du bof des narrations mollassonnes où tout s’explique et rien ne surprend… si tu t’en fiches que le nid soit un peu hétéroclite quand tu y trouves des œufs qui ne sont pas de pigeon mais des perles d’eau douce… voici ma prescription : lis Le Moineau. Et ne te laisse pas endormir par la remarquable maîtrise du style… n’oublie pas cette lapalissade : on ne maîtrise que ce qui est rebelle. Sinon, où serait le talent ?

Parlons du moineau

  « Le moineau » est à la fois le titre du recueil de nouvelles d'Anne Stien et la nouvelle qui clôt le livre d'histoires inspirées de faits sociaux politiques, historiques ou divers pour les unes et intimistes pour les autres. Anne a l'art de saisir le moment où la raison bascule... Et justement, la nouvelle intitulée « Le moineau » les réunit tous, en commençant pianissimo, léger et poétique, avec des bulles de savon qui transportent le rêve d'une préadolescente nommée « Élisa, comme la chanson ». « Le tourbillon », qui précède ce moineau aurait pu faire aussi la une d'un fait divers dans la grande presse, sur fond de cette terrible guerre entre la Croatie et la Serbie. Mais aurait-on su, à travers un article de journal, parler si bien du caractère fantasque de l’héroïne ?   Oups ! Avec « Jeux de mains », on change de registre et de ton : mystère, surprise, sourire et bling-bling ! L'affaire est menée en un tournemain, c'est un tour de