Je m’appelle Yves mais tout le monde m’a surnommé Yvon ou, quand je suis en colère, Yvan le Terrible. Il paraît qu’il a existé. Il a même été tsar de Russie. Moi, Yvon, je travaille le bois. J’aime son odeur, son toucher et sa belle allure quand j’en ai fini avec lui. Il faut préciser que je suis ébéniste et heureux de l’être. J’ai la faculté d’exercer un métier où je me réalise pleinement. C’est à la fois une activité et un plaisir. En ce moment, je rénove un meuble ancien que j’ai déniché dans le grenier poussiéreux de mes parents. C’est un « bonheur du jour », petit secrétaire destiné à la correspondance. Cela fait maintenant près de trois semaines que je remets à neuf ce ravissant petit meuble. Il est réjouissant de voir réapparaître les nervures du bois et de percevoir son odeur. Je laisse un moment planer mes pensées et lève les yeux. Par la fenêtre ouverte, me parviennent le gazouillis des oiseaux, la sourde rumeur de la ville et le carillon de Ste Eulalie. Je dois encore
. LE CABINET C’est un petit endroit appelé cabinet, Le lieu privé de toutes les co mm odités, Où l’on se tient assis lorsqu’on est chagriné, Le petit coin recherché pour l’inti m ité. Ce n’est pas un cabinet de curiosités, Ni l’excellent cabinet m i nistériel, Encore m oins le cabinet de l’indignité, Tout si m ple m ent, c’est le cabinet essentiel. Celui où naît par f ois la m atière de l’écrit, Le fonde m ent m ê m e de la sé m antique, L’e m place m ent pour pousser un cri, Lorsqu’enfin le bon m ot survient, artistique. Le cabinet, depuis Versailles jusqu’à nos jours, S’est m éta m orphosé sans ostentation, Pour voir des objets rares, on fait le détour, Ce sont m es m ots et m es élucubrations. Anne STIEN Octobre 2000