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DUNES NOIRES

 
 
 


La route étroite et longue traversait le pays des dunes. Les dunes noires... Je m'étais toujours demandé pour quelle raison ces monts de sable doré avaient pris ce nom. Lorsque le soleil brillait dansun ciel vierge de tout nuage, les pentes douces se paraient de pierres précieuses et renvoyaient les rayons solaires avec mille reflets chatoyants.

Mon regard se perdit très loin, là où l'azur rejoint l’océan en une courbe parfaite. Mes pensées vagabondaient en toute liberté. La mer aux liserés d'écume blanche, s'échouait sur le sable lisse en soupirant inlassablement. Je m'interrogeais sur le sort immuable de l'humanité. Nous venons au monde, nous grandissons puis vieillissons et enfin nous mourons. Une fois encore, je tentais de trouver un sens à tout cela. J'avais beau retourner le problème de tous les côtés, aucune issue de secours ne se mit à clignoter. Je baignais dans une sorte de torpeur mélancolique.

Je franchis un portillon au pied d'une dune particulièrement haute. Des marches avaient été aménagées et l'on pouvait se cramponner à une épaisse corde maintenue par des piquets rouillés. En chemin je croisai une femme extrêmement belle, d'une beauté surnaturelle. Elle portait une longue tunique blanche et ses cheveux blonds flottaient derrière elle. Elle me dévisagea intensément. J'en ressentis un trouble profond. Des ondes concentriques à la fois de glace et de braise envahirent mon corps. Je ne comprenais  rien à ce phénomène extravagant, Au cours des veillées devant l’âtre, les anciens avaient coutume d'évoquer cette revenante. Les gens qui la rencontraient  se sauvaient en invoquant les saints apôtres. A l'évidence, elle mettait en garde ceux qu'elle visitait. Cependant le destin était fatal et personne n'y pouvait rien.

Quelque temps après ce funeste présage, je perdis la vie,  écrasé par un chauffard sur la route des dunes noires. Mon corps gisait sur le bas-côté, inanimé et sanglant. Apparut devant moi un petit garçon venu de nulle part. Il me regardait d'une façon étrange. Le silence s'éternisait et je commençais à me sentir mal à l'aise. Soudain, il saisit ma main et m’entraîna vers les dunes. De grandes bourrasques chargées de sable fouettaient nos visages. Sur la plage déserte roulaient des vagues écumantes. Une grosse houle s’était formée. Au bout d’une marche forcenée, avançant arc-boutés contre les assauts éoliens, nous empruntâmes un chemin escarpé. Le passage était difficile. Mes pieds glissaient et il n’y avait aucune corde pour se tenir. L’enfant me fit un signe de la main. Je lui répondis. Il s’éloigna sans se retourner. Je restai planté là, désorienté, impatient. Je me remis à marcher d’un pas égal et long à la façon des montagnards, en économisant mes forces. Mû par une pulsion irraisonnée, je me dirigeai vers l’océan.

Mon envol vers la lumière fut éblouissant.  


 Recueil "Les faux semblants" aux Editions les Plumes d'Ocris

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