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LA PASSAGERE DU SOLEIL de Bernard Gallois (Nouvelles)


Je dois dire qu’en ouvrant ce recueil joliment illustré, je ne m’attendais pas à cette impression d’osmose parfaite avec le texte. Les mots, la façon de les harmoniser, les descriptions, les thèmes aussi différents que possible, toute cette musique dont l’écho ravit le lecteur, forment ensemble un patchwork talentueux et, me concernant, la révélation d’un style d’écriture qui m’est proche.

 
Rien de mieux qu’un extrait de la nouvelle donnant son titre au recueil pour donner l’envie de savourer les histoires ensoleillées de l’auteur. Je lis et relis ce passage tellement imagé et odorant que je le déguste à petites doses, comme une panacée à ma morosité hivernale.

 

«…Elle était catalane. Son visage avait volé le soleil. Sa peau avait volé les couleurs et le parfum de l’abricot, s’en était barbouillée de taches de rousseur. J’avais aussitôt jalousé le vent descendu avec elle de la montagne. Il glissait les doigts sur sa nuque, dans l’or cuivré de ses cheveux. A ce salaud elle promettait tout, la caresse des épaules dorées, les incursions dans les plis du corsage de coton blanc, l’engouffrement sous la jupe à volants jaunes. Et pour que le vent fasse si bien les choses, ces deux-là devaient se connaître depuis très longtemps.»

 

«…Me croyant d’ici, elle avait commencé à me parler catalan. Je n’y comprenais rien mais j’entendais le roulé des galets au creux des torrents, le souffle du martinet frôlant les falaises, le chant mouillé de  la source et le soleil.  Le soleil surtout. Il grésillait sur les cordes vocales, s’enrouait dans les aigus. C’était un danseur infatigable.»

 

Voilà pour le style. Maintenant, s’agissant des thèmes, l’auteur aborde tous les sujets, que ce soit les phobies, la vie, la mort, l’amour, tout ce qui rend la vie si précieuse et unique. « Lettre à mon inconnu » évoque Stefan Zweig avec « Lettre d’une inconnue » et le pari est réussi. A citer également, « Fait comme un rat », un parcours du combattant à la limite du supportable, « Le canard de Barbarie »,  « l’appel du goéland ».

 

Tout, dans ce recueil, donne à penser que l’auteur observe la nature d’un œil extrêmement attentif, avec une sensibilité rare et une retenue pudique. Au-delà des mots, on perçoit la souffrance, le désamour, l’impitoyable sort funeste de chaque être humain et l’émerveillement devant la beauté naturelle des paysages qui nous entourent  et que notre société de consommation détruit sans vergogne.

 

« La passagère du soleil » est sans conteste le recueil de nouvelles qu’il faut lire et relire, sans modération.

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