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MON EOLIENNE ET MOI




J’ai acheté une éolienne sur un coup de tête, sans vraiment réfléchir. Cela s’est imposé à moi comme une évidence.
Elle est devenue le complément direct qui s’accorde avec moi dans tous les cas et par tous les temps. Je ne pourrais plus vivre sans elle. Elle est si majestueuse, si élancée, si fine. Ses pales tournent avec une telle grâce qu’Eole, lui-même, se fait caressant.
Depuis son installation dans le jardin, du côté de ma chambre, je réalise que j’utilise à plein temps, sans m’en rendre compte, son énergie propre. Mine de rien, elle me rend beaucoup de services. Un truc bon à savoir : apprendre la langue Klingonne pour lire la notice. Dès la première phrase, je me suis senti perdu. Jugez plutôt !
« Jeklinsuisgon uklline éklinoliegonne ! »
J’ai fait venir un technicien klingonnais pour effectuer l’installation de ma précieuse éolienne. Bavard de nature, il m’a assuré que le montage d’un meuble suédois de la marque bien connue même en klingon, était plus difficile que celui de l’ahurissant objet de mon désir.
J’ai appris un seul mot klingonnais : Merklincigon !
Mais l’aventure ne s’arrête pas là. J’ai pu observer durant mes nuits blanches que la grande dame aux hélices brillantes tourne sans s’arrêter pour peu qu’il y ait un souffle éolien. C’est magique. Elle émet un bruit continu qui s’apparente plus au soupir amoureux qu’à la plainte redondante d’une épouse délaissée. Je réalise alors que je passe presque toutes mes nuits à observer cet incroyable instrument.
Un jour ou plutôt une nuit, Barbara, ma femme, a lâchement profité de la douceur du vent pour s’envoler vers d’autres cieux où plane un aigle noir. A-t-on idée ?
L’éolienne et moi, absorbés par différents mécanismes dont j’essaie de découvrir le sens profond et de traduire en langue française les mots à rallonges klingonnais, n’avons pas été surpris par ce départ intempestif. Cela faisait un moment que la séparation était dans l’air.
Ainsi les choses sont à leur place. Je ne peux m’endormir que bercé par les tours de ma grande dame.
Heureux, je suis heureux !
Anne Stien
11052015

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