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LES NOTES D'UNE SONATE par Bernard Gallois

Seul un vieil homme assis sur un chaise branlante regardait la montagne en fumant sa pipe . Tous les autres participaient en bandes fourmilières aux festivités d’altitude en ce début de soirée d’hiver. Des skieurs attardés encore emmitouflés s’attablaient devant leur premier vin chaud tandis que d’autres déjà débraillés en étaient à leur énième bolée, d’un nombre imprécis que seule la rougeur des joues et des nez pouvait dénoncer. Ça sentait bon le rhum, la cannelle et les épices. Par des va-et-vient réguliers, des traineaux à calèches lumineuses et carillonnantes amenaient des hivernants guillerets. Les plus jeunes des enfants se précipitaient aussitôt vers le manège à l’ancienne où des chevaux de bois frôlaient les bois des rennes et bizarrement côtoyaient des girafes égarées. À la fin de chaque tour, tous les bras se tendaient vers la marionnette à saisir pour gagner une entrée gratuite. Indifférent à ce remue-manège, le vieil homme assis regardait la montagne en fumant sa p

CHASSE-CROISE

  Maria triait avec soin de vieilles photos. L’une d’elles, prise à la remise de son diplôme, la fit songer à ses débuts professionnels. Jeune sage-femme tout juste sortie de l’école, elle avait confondu l’identité de deux nourrissons. C’est ainsi que l’enfant prénommé Laurent se retrouva dans une famille de six gamins délurés et mal élevés alors que sa famille d’origine était très aisée et faisait partie de la haute bourgeoisie, s’enorgueillissant de compter quelques illustres personnages dont les portraits richement encadrés décoraient la grande bibliothèque du château. En fait, c’était une maison de maître, blanche et altière, comme on en trouve dans le Bordelais.  Le remords la rongeait depuis tout ce temps. En effet, elle s’était aperçue de sa méprise et n’avait pu se résoudre à  en informer les familles concernées. A l’occasion d’une visite à la clinique, elle s’enferma dans le local des archives pour consulter la   fiche de Laurent,   Elle nota sur son carnet les coordonné

ACCORD ET DESACCORD

. Nous sommes en accord, Sans aucun désaccord, Ensemble tout d’abord, Tu es toujours à bord. Vous êtes tout pour l’autre, Proche d’un bel apôtre, Aux sarments cuit l’épeautre, Ce bon pain est le vôtre. On dit que le pain blanc Se mange sans adjuvant, Quel est ce goût d’antan, Aux parfums du Levant. Nos enfants girouettes Nous tournent fort la tête, Parents très obsolètes, Qui ne font pas la fête. Tu es souvent parti, Ton métier bien appris, Un soir tu as menti, Sans prévoir d’alibi. J’ai rêvé ton errance, J’ai pleuré ton absence, J’ai crié ma souffrance, J’ai tu ma différence.

LE MUR

Le dernier barreau de l’échelle est encore loin… Je gravis un à un l’escalier en bas des nuages. Pourquoi, par quel entêtement, quel aveuglement suis-je partie dans ce défi ? Je me suis perdue de nombreuses fois, j’ai retrouvé une trace ancienne pour me guider, au-delà des racines, celles de mes aïeux. Je m’élève lentement au-dessus de la mêlée humaine, empêtrée dans les instincts primaires, au prix d’un effort colossal, le regard fixé sur le faite du mur aux fondements terrestres. Encore un échelon, dans ma spiritualité, un infime pas en avant, vers ce qu’on désigne comme étant la sérénité. Je disparais peu à peu dans le brouillard nuageux qui m’entoure sans possibilité de redescendre au niveau des humains. Ils se battent encore aujourd’hui pour un lopin de terre, pour leur dieu, par faiblesse, pour dominer les peuples, par avidité et pour exercer un pouvoir trompeur. Ici, je n’entends pas la rumeur des combats, je ne respire pas   l’odeur des batailles, la fumée des in

11 SEPTEMBRE

KIDIMIEUX FAIT SA RENTREE

Kidimieux fait sa rentrée... Il s'est habillé de neuf : Jean, chemisette à la mode, avec des carreaux aussi larges que ses lunettes, des mocassins cirés à l'aide de la brosse à reluire. Nouvelle affectation, nouveaux rythmes, il va surveiller les classes, les élèves, les profs qui fument n'importe où, les tableaux tagués, les murs tapissés de crottes de nez... Kidimieux est pion, un pion redoutable sur l'échiquier des valeurs oubliées. Se mettre en rang (d'oignon), se taire, écouter le prof, être civilisé dans une cour de lycée qui ressemble plus à la cour des miracles plutôt qu'à une récréation de jeunes prodiges. A toute vitesse ils écrivent n'importe comment sur leurs mini écrans, se donnent des airs avec le dernier smartphone en vogue, font semblant d'être absorbé par ce qu'ils déchiffrent, émettent quelques onomatopées disgracieuses. Kidimieux porte des verres solaires correctifs. Cela lui permet de pister discrètement les