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ARANEA

Un soir d’hiver, alors que la pluie semblait ne jamais vouloir s’arrêter, je ressentis soudain l'envie de feuilleter les albums photos de ma petite enfance.  Je me posais mentalement mille questions en tenant dans mes mains fébriles les portraits de famille du temps passé. Sur l'un des clichés jaunis, ma famille posait pour le photographe. Sans doute était-elle réunie pour célébrer une fête, un anniversaire, une naissance ou bien l'acquisition de l'immeuble se situant au 19 de l'avenue Junot. Le quartier assez populaire   à l'époque, s'était petit à petit embourgeoisé. Les loyers avaient triplé. Montmartre regorgeait de touristes. Les vendanges de la Butte avaient encore le soutien des petites gens fidèles à cette tradition. La bonne question était régulièrement posée : cela en valait-il la peine ? Assurément, répondait la majorité des habitants du quartier. Au cœur de l’immeuble, il y avait l’arbre. Celui de mon enfance, à l’ombre duquel je jouais à

LE SAMOVAR

Autour de moi s’alanguissaient quelques femmes oisives, seulement préoccupées de leur toilette et du bridge de fin d’après-midi. Ma mère, de nature exubérante, riait très fort en renversant la gorge et faisait des mines derrière son éventail. Ses bracelets dansaient sur ses avant-bras. Ces dames formaient une petite communauté féminine composée de membres issus du même milieu social. Cela aurait été très mal vu de fréquenter en dessous de sa condition. Aussi les cercles amicaux étaient-ils très fermés. Ce n’était que bavardages, médisances et rivalités de train de vie. On n’avait de cesse d’exhiber la robe dernier cri ou le chapeau tendance. Lors de ces après-midi moites et intimes, je me livrais à une observation méticuleuse du comportement des joueuses. Elles complotaient à qui mieux mieux contre l’équipe adverse et s’acharnaient à gagner la partie comme si l’enjeu était d’une importance capitale. Elles avaient convenu depuis l’origine que les perdantes offriraient l’

DUNES NOIRES

La route étroite et longue traversait le pays des dunes. Les dunes noires... Je m'étais toujours demandé pour quelle raison ces monts de sable doré avaient pris ce nom. Lorsque le soleil brillait dans un ciel vierge de tout nuage, les pentes douces se paraient de pierres précieuses et renvoyaient les rayons solaires avec mille reflets chatoyants. Mon regard se perdit très loin, là où l'azur rejoint la mer en une courbe parfaite. Mes pensées vagabondaient en toute liberté. La mer aux liserés d'écume blanche, s'échouait sur le sable lisse en soupirant inlassablement. Je m'interrogeais sur le sort immuable de l'humanité. Nous venons au monde, nous grandissons puis vieillissons et enfin nous mourons. Une fois encore, je tentais de trouver un sens à tout cela. J'avais beau retourner le problème de tous les côtés, aucune issue de secours ne se mit à clignoter. Je baignais dans une sorte de torpeur mélancolique. Je franchis un portillon au pied d'une dune

LA DISGRÄCE

Publié le  2 août 2011  par ANNE Lorsque je poussai la porte de l’immeuble, ma respiration se bloqua. Je me dirigeai à tâtons vers l’ascenseur, ne sachant pas où se trouvait l’interrupteur. C’est bien de moi, pensai-je en pénétrant dans l’étroite cabine. J’appuyai au hasard sur l’étage désiré. Moi qui n’aimais que la lumière, j’avais envie de faire demi-tour. Nécessité faisant loi, je continuai mon chemin de croix. J’aurais voulu être à cent lieues d’ici. Le couloir du 6 ème  étage ne ressemblait à rien. Des portes fermées, quelques plaques ternies, le plancher grinçant, un éclairage glauque. Des relents de cuisine flottaient dans l’air croupi. Etait-ce bien là, ce rendez-vous mystérieux ? J’avais dû me tromper ! Ayant passé en revue toutes les portes, je remarquai enfin l’une d’elles, plus discrète que les autres. On pouvait, en écarquillant les yeux, y lire sur un bristol, des initiales en lettres majuscules, puis la mention « sonnez et entrez ». J’arrangeai machinaleme

PASSAGE DES VERTUS

C’était une longue allée, au sol carrelé de mosaïques. Le toit était constitué d’une verrière 1900. Quelques commerces, datant de la belle époque, semblaient endormis, à l’abri de leurs vitrines surannées. En fermant les yeux, on imaginait aisément les belles des années folles, se promener nonchalamment dans ces lieux immuables. Elle louvoyait, posant un œil intéressé sur un châle en cachemire ou guettant, avec une curiosité détachée, son reflet dans les glaces richement ornées. Elle avançait à petit pas, hésitante, l’air tendu. Elle sortit du passage, éblouie par les rayons ardents d’un soleil printanier. Elle déboucha sur la place du Palais Royal. Un manège à l’ancienne tournait inlassablement en diffusant une musique d’orphéon, attirant les enfants aux yeux emplis de rêve. Les arcades ancestrales abritaient les trésors de la philatélie et les collections des soldats de l’empire. Les grilles circulaires aux pointes dorées à la feuille d’or rappelaient les fastes d’antan. L’emblé

ELLE

ELLE Elle me fait toujours autant d'effet J'entends sa voix basse dans un murmure Ses mots rares au langage secret Sa musique intérieure si pure Telle la vérité sans fard ni leurre Elle me sourit, les yeux ailleurs Silencieuse à la même heure Savourant et vénérant son bonheur Douceur angora, pâle cachemire Son beau sourire laisse entrevoir Une âme attirante qu’on admire Si noble qu’elle ne peut décevoir Un envol dans l’azur bleu de sienne Ce rêve me prend, languide et bref Je ressens l’émotion qui est mienne Aux élans intrépides sans grief Anne Stien

AREA 51

AREA 51 Lorsque j’embarque sur un vol à destination de Salt Lake City , je suis un homme comblé. Mon rêve est devenu réalité. Enfin, je vais pouvoir m’approcher de la zone 51, objet de mes fantasmes les plus secrets. Pendant le vol, J’envisage toutes sortes de mésaventures et aussi des moments palpitants. Ma passion est à son paroxysme. Elle est devenue une réalité tangible. De longues heures de vol me séparent du but de ma mission. Mon plan est simple et imparable. J’ai pris tout le temps qu’il faut pour me mettre en situation et éloigner de moi les craintes et les présages funestes. Je me revois, jeune globe-trotter, arpentant des terres lointaines et inexplorées. A l’époque, j’étudiais avec passion les civilisations anciennes. Je photographiais aussi toutes espèces de végétaux. Puis, vers la quarantaine, je fus pris d’une passion dévorante pour les secrets d’état. Je me mis à préparer une enquête de grande envergure sur l’inquiétante « Area 51 » située près de Salt Lake