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MES ROMANS Editions Saint Martin




Au salon de Lille, avec les Editions Saint Martin et mes romans "Un si joli chemin" et "Vague à l'âme".
 

Extrait de "Vague à l'âme" :
J’étais prisonnier des eaux grises et froides. Mes membres ondulaient mollement, tels des lianes charnelles, épousant la masse liquide dont la douce étreinte était mortelle.

 J’ignorais ce que je faisais à cet endroit, seul et oublié de tous.

 Soudain, les mailles d’un filet m’enserrèrent étroitement. Je fus hissé et balloté dans tous les sens. J’atterris avec brutalité sur le pont d’un bateau de pêche.

 Fusèrent alors les exclamations horrifiées des hommes. J’étais à faire peur.

 Je portais au poignet gauche une montre étanche avec un bracelet en acier en état de marche.

 L’étoile de mer dessinée sur mon épaule droite semblait vivante…

 1
Etendu sur le pont du bateau de pêche, mon corps était recouvert d’une bâche. J’eus envie de dire que je n’avais pas froid, que j’allais bien. Je parlais et personne ne m’entendait. Quelle étrange sensation de dédoublement ! J’observais les mouvements de l’équipage s’activant pour se préparer à accoster. Sur le quai, un groupe attendait l’arrivée du bateau, des policiers sans aucun doute. D’ici, je distinguais assez mal leurs physionomies.  Je n’avais pourtant rien à me reprocher.

J’assistais à la scène, invisible témoin détaché de mon enveloppe corporelle. J’aurais voulu entrer en contact avec les hommes qui m’entouraient mais j’étais dans un monde parallèle. J’entendais les conversations mais je ne pouvais intervenir.  Cela faisait environ une vingtaine de jours que ma dépouille flottait dans l’eau. Le vent balayait mes cheveux délavés. J’étais presque barbu, moi qui me rasais de près chaque jour. Quant à mon teint, il n’était pas beau à voir. J’étais littéralement violacé et presque méconnaissable. Ma mère n’aurait pas manqué de m'infliger ses recommandations à propos de ma santé  :

-     Mon ange, couvres-toi, tu es bleu de froid ! Tu vas attraper la mort !"

fin de l'extrait

 

 
Extrait de "Un si joli chemin"
 
 

" Il prit le virage lentement et freina en douceur. La route descendait vers la vallée en lacets réguliers. Un chemin de terre  bordé de peupliers s’offrait à lui. Il s’y engagea, tout en cahotant dans les ornières et s’arrêta devant une vieille bâtisse en pierre de taille.

Claudie, sa compagne, était dans la cuisine et préparait le repas du soir. Il l’appela et elle sortit sur le perron.
 
     -   Tu viens faire un tour avant le dîner ?
     -   Si tu veux, attends, je baisse le feu de la gazinière !

 Elle le rejoignit rapidement. Sa silhouette se découpait dans la lumière. Un jogging déformé et des tennis défraîchies composaient sa tenue. Il se détourna et emprunta le sentier qui menait au sous-bois. Silencieuse, elle lui lançait de temps en temps un regard inquiet, sans pour autant lui adresser la parole. Elle se disait que, puisqu’ils étaient maintenant à la campagne, ils pourraient avoir un chien. Ce serait agréable de se promener avec lui et peut-être cela lui donnerait envie de se mettre à courir ! Il faudrait qu’elle aborde le sujet à un moment propice.

De caractère ombrageux, secret et instable, il lui faisait subir ses humeurs, sans l’ombre d’un remords ou d’une remise en question. Ils n’avaient pas d’enfant, ce  thème ayant été abordé au début de leur relation et Claudie n’avait pas insisté devant son refus courroucé. N’osant évoquer certains sujets, elle allait de plus en plus mal. Il partait le matin faire sa tournée de clients et ne rentrait qu’à la nuit tombée. Taciturne, il lui adressait rarement la parole et la considérait d’un œil froid et indifférent. Par moment, elle ressentait une peur sournoise mais demeurait sans réaction. Elle était isolée, sans défense et se bâtissait un cocon pour y vivre le mieux possible. C’était une illusion, elle le savait. Elle ferait de toute façon ce qu’il voudrait.

Les jours passèrent sans que rien ne vienne perturber le cours des choses. Serge était toujours aussi peu loquace. Il paraissait même tourmenté. Claudie ne posait pas de questions, faisant de son mieux pour que tout soit prêt à l’heure dite. Rentré, il allait marcher un peu, dînait ensuite rapidement, puis s’asseyait devant la télévision tandis qu’elle débarrassait la cuisine. Elle le rejoignait ensuite et essayait de s’intéresser au film qu’il regardait. Souvent il s’endormait, elle allait se coucher sans le réveiller et se recroquevillait sous la couette épaisse.

Certaines nuits, il venait la rejoindre et elle supportait ses assauts sans désir. Cela n’avait rien d’agréable, elle se laissait faire passivement en se disant que ce ne serait pas long. Pourtant elle avait été très amoureuse de lui et elle éprouvait alors un réel plaisir entre ses bras. Ils s’étaient rencontrés à un bal de village il y avait déjà une dizaine d’années. Elle avait su tout de suite qu’ils feraient connaissance et seraient liés l’un à l’autre. Agée de dix-huit ans à peine, impressionnée par l’assurance virile qui se dégageait de lui, elle avait quitté ses parents, son emploi dans une boulangerie. Elle l’avait suivi, éblouie et soumise, malgré l’importante différence d’âge existant entre eux.

Il habitait dans la région une maison assez délabrée qu’elle avait essayé de rendre plus agréable. Elle ne savait pas vraiment ce qu’il faisait toute la journée sur les routes. Il lui avait dit qu’il travaillait comme délégué commercial pour une société de cartonnages et que son salaire suffisait amplement à les faire vivre. Elle n’avait donc pas recherché d’emploi, passait son temps à s’occuper de la maison et du jardin. Le soir, elle préparait toujours un plat qu’il appréciait. Puis, ils avaient déménagé sans qu’elle comprenne vraiment les motivations de ce départ. Une autre maison un peu plus grande lui prenait tout son temps.
 
De fil en aiguille, leur relation s’était dégradée, elle ressentait un malaise qu’elle ne pouvait expliquer et était prisonnière moralement. Ils n’avaient pas d’amis ni de famille proche. Elle se réfugiait dans la contemplation de la nature et dans la lecture, l’unique manière de s’évader du quotidien plat et gris. Les seuls bouleversements qu’elle connaissait étaient les décisions soudaines de départ et d’emménagement dans une nouvelle maison. Elles avaient toutes un point commun, leur aspect vétuste et isolé. C’était comme un nouveau défi pour elle, transformer leur résidence pour la rendre plus accueillante et confortable. Elle y excellait.

De temps à autre, elle l’accompagnait à Périgueux, la ville voisine, pour effectuer des achats. C’était un grand jour pour elle, car cela se produisait rarement. Il s’arrangeait pour faire les provisions sur son trajet. Fréquemment elle établissait une liste de courses l’aidant à son retour à porter les provisions. Tout s’amoncelait sur la table de la cuisine. Elle s’appliquait ensuite à les ranger méthodiquement dans les placards et sur les clayettes du réfrigérateur. Cette tâche fastidieuse l’absorbait entièrement et elle s’y adonnait avec rigueur. Puis elle échafaudait les menus de la semaine. Le temps passait ainsi lentement et inexorablement.

Un soir cependant, elle entendit la voiture emprunter le chemin plus tôt que d’habitude. Soulevant le rideau de la cuisine, elle vit Serge ouvrir le coffre et prendre quelque chose de volumineux entouré d’une couverture. Il se dirigea vers l’entrée située derrière la maison et monta directement au grenier. Un peu étonnée, elle se mit néanmoins à préparer le repas et à mettre la table. Elle décida de se taire et d’attendre les événements. Ils allèrent se promener avant le dîner, puis s’attablèrent sans mot dire."
 
Fin de l'extrait

 





 
 
 

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