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MAUVAISE MINE





Des tirs dans tous les sens, des cris, un moteur qui s’emballe, une poursuite, une sirène mugissante. L’homme git sur l’asphalte. Sa vie défile en accéléré comme dans un film muet privé de sous-titres. Il ne comprend pas ce qui se passe. Il voit son corps allongé sur un trottoir. Que fait-il couché ailleurs que dans son lit ? Au creux de sa main, il tient un objet, une sorte de talisman. 


Sans frémissement, en silence, il contemple la scène en altitude, immobile et inconscient. Son teint est pâle. Sous ses paupières fermées, un rêve étrange se forme. Il remonte le temps. Le temps lointain de ses amours, le temps de l’affection envers ses parents et amis. Il serre entre ses doigts crispés son fétiche. 

Les images se succèdent. Il est devenu célèbre par ses caricatures. Il perçoit des voix familières. L’émotion l’envahit. Il gémit, se lamente et implore le ciel. Seul, entre la vie et la mort, il erre dans un monde inconnu. Peu à peu, subrepticement, le cours de ses pensées s’effiloche. S’échappant de sa main inerte, un petit crayon à la mine de plomb roule dans le caniveau. 

On emmène la victime. Circulez, il n’y a rien à voir, le spectacle est terminé. Sur le trottoir, un dessin tracé à la craie subsiste par endroits. Les contours de son corps sans vie, sans avenir, s’effaceront.
 



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