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PASSAGE DES VERTUS

C’était une longue allée, au sol carrelé de mosaïques. Le toit était constitué d’une verrière 1900. Quelques commerces, datant de la belle époque, semblaient endormis, à l’abri de leurs vitrines surannées. En fermant les yeux, on imaginait aisément les belles des années folles, se promener nonchalamment dans ces lieux immuables. Elle louvoyait, posant un œil intéressé sur un châle en cachemire ou guettant, avec une curiosité détachée, son reflet dans les glaces richement ornées. Elle avançait à petit pas, hésitante, l’air tendu. Elle sortit du passage, éblouie par les rayons ardents d’un soleil printanier. Elle déboucha sur la place du Palais Royal. Un manège à l’ancienne tournait inlassablement en diffusant une musique d’orphéon, attirant les enfants aux yeux emplis de rêve. Les arcades ancestrales abritaient les trésors de la philatélie et les collections des soldats de l’empire. Les grilles circulaires aux pointes dorées à la feuille d’or rappelaient les fastes d’antan. L’emblé

ELLE

ELLE Elle me fait toujours autant d'effet J'entends sa voix basse dans un murmure Ses mots rares au langage secret Sa musique intérieure si pure Telle la vérité sans fard ni leurre Elle me sourit, les yeux ailleurs Silencieuse à la même heure Savourant et vénérant son bonheur Douceur angora, pâle cachemire Son beau sourire laisse entrevoir Une âme attirante qu’on admire Si noble qu’elle ne peut décevoir Un envol dans l’azur bleu de sienne Ce rêve me prend, languide et bref Je ressens l’émotion qui est mienne Aux élans intrépides sans grief Anne Stien

AREA 51

AREA 51 Lorsque j’embarque sur un vol à destination de Salt Lake City , je suis un homme comblé. Mon rêve est devenu réalité. Enfin, je vais pouvoir m’approcher de la zone 51, objet de mes fantasmes les plus secrets. Pendant le vol, J’envisage toutes sortes de mésaventures et aussi des moments palpitants. Ma passion est à son paroxysme. Elle est devenue une réalité tangible. De longues heures de vol me séparent du but de ma mission. Mon plan est simple et imparable. J’ai pris tout le temps qu’il faut pour me mettre en situation et éloigner de moi les craintes et les présages funestes. Je me revois, jeune globe-trotter, arpentant des terres lointaines et inexplorées. A l’époque, j’étudiais avec passion les civilisations anciennes. Je photographiais aussi toutes espèces de végétaux. Puis, vers la quarantaine, je fus pris d’une passion dévorante pour les secrets d’état. Je me mis à préparer une enquête de grande envergure sur l’inquiétante « Area 51 » située près de Salt Lake

COUPABLE

Je m'appelle Louise. Lui, c'est Antony...  Quand mes yeux se perdent dans les siens, je retrouve le lien indestructible qui nous unit. Son regard est profond, insondable. Je perçois une lueur d'inquiétude tandis que sa main se pose sur la vitre qui nous sépare. Je place mes doigts sur le verre embué. Bien que je sois du bon côté, je ressens sa culpabilité. Je suppose que ce sentiment l'obsède. A voir sa mine de papier mâché, il ne doit pas dormir souvent et ses rêves ont tout l'air d'être des cauchemars. Je suis là, tout près de lui, mais je ne sens pas son odeur ni son parfum. J'ai oublié.  Le silence entre nous se prolonge, riche de nos émotions.    Flash back sur le 13 Juillet dernier. A minuit, le feu d'artifice s'était emparé du ciel pour éclater en grappes de lumière. La foule s'était massée sur la place. C'est alors que mon regard s'était posé pour la première fois sur Antony. J'avais longuement observé son manè

LA PREUVE DU CONTRAIRE

Il fit asseoir sa cliente. Le pire était devant lui. Douillette, bavarde, insupportable, elle le saoulait de propos ordinaires. La pluie et le beau temps venaient en premier. D’habitude, il s’arrangeait pour écourter au maximum ce flot d’insanités, mais aujourd’hui, il avait été imprévoyant et son assistante était en congé. Les fameux RTT dont on ne savait jamais quand ils allaient vous tomber dessus et combien il en restait. Il lui cloua le bec en introduisant l’aspirateur dans la bouche édentée à l’haleine pestilentielle. Il portait deux masques superposés parfumés à la citronnelle. Cela lui chatouillait le nez. Il avait parfois des envies de meurtre… Quelle raseuse ! A chaque séance avec elle, il se demandait comment il allait tenir le coup. C’était un challenge. Il avait tenté de la refiler à son associée. Mais cette dernière, fine mouche, avait éventé le piège. Il s’était donc vu dans  l’impossibilité de se débarrasser d’elle, à moins que … L’image de la seringue qu’il planta

VARIATION EN LA MINEUR

Ce jour-là, je broyais du noir. Il se trouvait que j’étais une fois de plus au chômage et que mon mec m’avait laissé choir. Je n’en fus pas surprise, car je le savais égoïste et peu scrupuleux.  Ainsi, dès  la mauvaise nouvelle annoncée, il déguerpit sans demander son reste. Assise à la table de cuisine, je maudissais le mauvais sort qui s’acharnait contre moi. L’avenir m’apparaissait cousu de fil blanc, mes projets s’effilochaient avec le temps. Sans famille, seulement ma tante Bella qui vivait dans un hameau en Aveyron, je décidai de quitter mon logement, avant de m’enliser dans les sables mouvants du surendettement. Je liquidai les quelques meubles que j’avais réussi à accumuler. Je me séparai de mon cher piano. Par réflexe, je gardai les partitions. Il ne me restait plus que la possibilité de chanter en plaçant bien ma voix. J’étudiai en particulier une variation en la mineur de Brahms. Mes doigts dansaient en l’air, faute d’effleurer les touches ivoire, voletant ici et là, al

AUSSI PROFOND QUE MES LARMES

Milena est née prématurément le 8 Août 2000. Elle semble très satisfaite d’être venue au monde de façon inopinée, deux semaines à l’avance. Déjà, elle jette autour d’elle des regards intéressés. Sans doute perçoit-elle l’ombre et la lumière, phénomènes nouveaux pour elle. -         Milena, ma fille ! Je répète ces mots sans y croire encore. Moi, Ludmilla Pavlova, j’ai un enfant, une jolie petite fille qui a l’air bien vivante. On dirait qu’elle me ressemble, à moins que ce ne soit plutôt l’esquisse du menton de Vladimir. Et dire qu’il ne sait rien. Sous-marinier, il est actuellement en mission. Je ne le reverrai que dans quelques semaines. Il est très fier d’être mécanicien sur le Koursk, un des fleurons de la marine russe. Je n’ai pas pu avoir de contact téléphonique. Aussi ai-je envoyé un télégramme, par l’intermédiaire de l’amirauté, pour annoncer la naissance de Milena. Mais j’ignore quand il lui sera remis. Pour l’instant, je n’ai aucune nouvelle de lui. Cependant,