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L'ISOLOIR

Hier, le village montrait une activité dominicale inhabituelle. Pour un martien, curieuse observation d'un rite étrange ! Saluer, faire la queue, prendre des papiers, prendre une enveloppe, se souvenir de son nom, le donner, puis, à pas comptés, guetter les pieds dépassant de rideaux pas affriolants. Ensuite, pénétrer dans un réduit malodorant. Refermer le rideau. Jouer à qui perd gagne avec les papiers. Au recto figure un nom. C'est un nom parfois connu. C'est un choix à  faire en dépit de ses propres doutes; On jette son dévolu sur le papier retenu, mais il faut du temps pour se décider. Sans compter avec les courants d'air qui s'en prennent aux papiers lesquels s'envolent. Se retrouver ensuite à quatre pattes pour récupérer les papiers envolés. Le réduit est occupé, celui d'à côté aussi. Attendre. Se précipiter. Mettre dans l'enveloppe. Refaire la queue. Repérer l'urne et ne pas laisser les doigts dedans. Attendre le feu vert pour y mettre l'e

LE MENUET

Il restait assis des heures durant, contemplant le ciel et les étoiles. La nuit, avec son dôme étoilé, le fascinait. Il cherchait du regard l’étoile du berger. Il lui confiait son désarroi et ses doutes. Il n’avait que six ans. Et pourtant il était musicien dans l’âme. Son seul ami était un piano-forte. Il avait scellé un pacte avec l’instrument. Il ne s’en séparerait jamais. S’il rêvait beaucoup, il travaillait énormément. Son père, chef d’orchestre, le supervisait et le formait aux multiples disciplines musicales. Néanmoins, l’enfant ne manquait pas de le surprendre par ses dons incontestables de compositeur.  Le temps arriva où le petit garçon fut présenté à  l’Archevêché de Salzbourg. Il charma  son auditoire et fit preuve d’espièglerie. L’évêque promut le père comme chef d’orchestre du palais et offrit au jeune prodige la charge de musicien en titre de la Cour. « Après Dieu, il y papa » répétait-t-il souvent. Il savait qu’il n’était pas comme les autres enfants. I

LA DISGRACE

Lorsque je poussai la porte de l’immeuble, ma respiration se bloqua. Je me dirigeai à tâtons vers l’ascenseur, ne sachant pas où se trouvait l’interrupteur. C’est bien de moi, pensai-je en pénétrant dans l’étroite cabine. J’appuyai au hasard sur l’étage désiré. Moi qui n’aimais que la lumière, j’avais envie de faire demi-tour. Nécessité faisant loi, je continuai mon chemin de croix. J’aurais voulu être à cent lieues d’ici. Le couloir du 6 ème étage ne ressemblait à rien. Des portes fermées, quelques plaques ternies, le plancher grinçant, un éclairage glauque. Des relents de cuisine flottaient dans l’air croupi. Etait-ce bien là, ce rendez-vous mystérieux ? J’avais dû me tromper ! Ayant passé en revue toutes les portes, je remarquai enfin l’une d’elles, plus discrète que les autres. On pouvait, en écarquillant les yeux, y lire sur un bristol, des initiales en lettres majuscules, puis la mention « sonnez et entrez ». J’arrangeai machinalement mes cheveux et m’exécutai. Le h

PROMENADE SENTIMENTALE

  La brume s’évapore sous les premiers rayons du soleil, laissant apparaître les contreforts des massifs montagneux, immuables et majestueux. Ils offrent au regard la splendeur de leurs sommets où scintillent des traces de neiges éternelles. Le bleu infini du ciel épouse les vertes vallées. Les torrents cascadent avec de frais murmures. Au loin, sonnent les cloches d’une église. Je m'en retourne sur les chemins de mon enfance, en proie à la mélancolie. Mes pensées vont vers les êtres que j'aimais et qui ont disparu. Le rire perlé de la petite bergère lorsque je bondissais d'un taillis, pour lui faire peur, résonne encore à mes oreilles. Un troupeau de moutons rentre au bercail. Mais ce doit être son fils qui ramène les bêtes. Où sont Mariette et Ludivine, mes confidentes, auxquelles je vouais un attachement profond, à tel point que les villageois nous croyaient fiancés ? Que sont devenus les gars de la montagne, ceux qui partaient en expédition vers les

LES FAUX SEMBLANTS

La nouvelle, un art mineur ? La littérature n’est pas affaire de cuisine. Et pourtant… La comparaison pourrait affleurer à chaque tour de cuiller, dans la marmite des idées préconçues. Parmi ces clichés qui collent au cul des casseroles, on retrouve l’idée que la nouvelle est un standard de fainéants. L’économie de mots implique-t-elle nécessairement l’indigence du texte ? Comme le plat dont on mesure les calories, afin de respecter un régime alimentaire… Surtout, ne pas dépasser les 40 000 mots, au risque de se hasarder sur les terres de la Haute Gastronomie du Roman. Impossible de rivaliser avec ses vins de grands crus, ses viandes aux fumets subtils, ses entremets délicats et ses rince-doigts parfumés aux agrumes. Au mieux, face à ce déploiement de saveurs, le nouvelliste fait figure d’adepte de la macrobiotique. Quand ce n’est pas d’employé de fast food. Mais alors, qu’en est-il des aphorismes de Char ou de Michaux ? Des syllogismes de Cioran? Et d

INTIMES CONFESSIONS

Très chère amie, Je prends la liberté de vous adresser cette épistre qui ne manquera pas de vous étonner, ainsi que le serait ma très sainte mère, à la lecture de ce qui suit. Mais je manque à la simple règle de politesse qui veut que votre santé et votre bonheur soient ma seule préoccupation. J’espère de tout cœur, chère Princesse, que votre vie est comblée par l’attachement que porte M. des Feuillets du Roy à votre gracieuse personne et que votre félicité n’a d’égale que le bonheur éternel des anges du paradis. Votre amant  est, certes, digne de vous, mais de grâce, protégez-vous des douleurs cruelles de l’amour. C’est avec une grande timidité que je m’adresse à vous, tant votre bonté m’a bouleversée, lorsque vous vous êtes enquise de mon état. Vous savez que j’ai épousé, contrainte et forcée, ce vieux marquis dont la richesse a été longuement soupesée par mon père. Mais cela ne peut me faire oublier mon  poète si doux et  si charmant que j’aime tendrement.  A toute

LA VENULE

Je vais sans doute m'attirer les foudres de la plupart d'entre vous... Voilà ! J'ai découvert que, finalement, tout compte fait, je suis de plus en plus  enfin de moins en moins, bref je suis tout le temps occupée... Je n'arrive pas à lire tranquillement les bouquins entassés n'importe comment dans un coin du séjour. Celui de Pierre demeure ouvert avec un marque page  aux trois quarts du bouquin.  Je dirais que je j'ai apprécié l'écriture un peu hard. Mais ainsi le veut ce personnage ambigu qui, dès sa naissance, se met en tête d'embêter son  double. Ca vous prend aux tripes. Le style est percutant, une sorte de confession à deux voix, sans contrition ni absolution; Terrible situation où l'un va dominer l'autre. Je n'en dis pas plus. C'est signé Pierre Luneval aux Editions Mon Village. Le titre de cet excellent roman est "La vénule". A ne pas manquer.

VOUS POUVEZ REPETER LA QUESTION ?

« Les Inconnus" bien connus nous amusent toujours. Les années ont passé. L'humour est toujours présent. Une bonne pincée de rire avec "Télé-magouille", "l'hôpital" - Marie-Thérèse se porte bien - et les "pétasses" aussi.. Une cure devrait être instituée pour que les tristes, les râleurs de tous bords, les empêcheurs de tourner en rond, les coupeurs de cheveux en quatre, les pots de colle, les irrespectueux, enfin la plupart d'entre nous, redeviennent eux-mêmes, de joyeux lurons imperméables aux chants lugubres des sirènes annonçant la fin d'un monde.  Ce monde n'a plus rien à voir avec celui des années soixante-dix, juste après le premier choc pétrolier (1973) et l'accession de Giscard d'Estaing au pouvoir. Un président jeune et énergique, au charme un peu pédant, instituant les dîners avec une famille de France, mettant au goût du jour les causeries au coin du feu et finissant par regagner l'Elysée au petit matin,